Bien des gens sentent que si tu n’es pas sur Facebook, tu n’existes pas. […] Avec autant d’énergie, de succès et de capital qui afflue vers le domaine du capitaliste de surveillance, se tenir à l’écart de lui, voire contre lui, peut nous paraître une perspective solitaire et risquée.
(Shoshana Zuboff, The Age of Surveillance Capitalism p. 341)
Facebook est-elle une condition indispensable pour accéder à la vie sociale?
La plateforme de l’entreprise est-elle la nouvelle place publique, celle dans laquelle citoyens, politiciens et chefs d’entreprise se réunissent désormais pour s’exprimer et discuter sur des enjeux d’intérêt public?
Le sentiment d’impuissance face aux géants comme Facebook nous résigne à l’immobilisme, au statu quo: à défaut de solutions plus attrayantes, notre vie sociale devient de plus en plus captive d’une seule entreprise privée – pas juste pour nous, mais pour des centaines de millions, voire des milliards d’êtres humains.
Facebook nuit à ce qu’il y a de plus précieux dans la nature humaine, à savoir:
- le libre arbitre (notre capacité à prendre des décisions autonomes, menacée par les algorithmes prédictifs et les mécanismes incitatifs qui en découlent);
- le caractère sacré et inviolable de l’individu (dont la vie personnelle est instrumentalisée à des fins commerciales);
- l’intimité des liens sociaux (intégralement captés par l’entreprise); et
- la confiance que ceux-ci inspirent (chaque lien social sert désormais à alimenter un régime de surveillance prédictif et hautement lucratif).
Nous avons le choix de notre marque de chaussures ou de notre fournisseur de service de téléphone; mais avons-nous vraiment le choix de la plateforme pour nos liens sociaux? Ce dernier choix nous empêchera-t-il d’accéder à la vie publique et sociale?
Tant qu’il n’y aura pas un marché permettant une saine compétition entre les entreprises du numérique et un morcellement des pouvoirs monumentaux qu’elles concentrent, un tel non-choix constitue une absurdité qu’il faut combattre et dénoncer.
C’est l’autonomie des individus, l’avenir de la démocratie et la possibilité d’une négociation avec ceux qui détiennent le pouvoir qui en dépend.